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André Fournerat
14/11/2017
One of the pillars of Aviation Sans Frontières
Les raids de bombardement sur la région parisienne pendant la guerre 39-45 (j'habitais Clamart) et la possibilité de m'asseoir dans le cockpit d'un Spitfire, sur la place d'armes de La Rochelle quand j'avais une dizaine d'années, ont largement contribué à "l'éveil d'une vocation".
Un peu poursuivi par ma scolarité, celle-ci me fait passer de la 4e du lycée Buffon au centre d'apprentissage de Clamart d'où je sors muni d'un CAP d'ajusteur.
En 1954, je rejoins l’aéro-club du Canton de Sceaux à Toussus-le-Noble et effectue mes débuts aéronautiques.
En 1956, l'armée de l'air voit de nombreux pilotes la quitter. Premier coup de chance pour moi qui suis recruté comme élève-pilote malgré mon maigre bagage. Je profite de cette situation pour approfondir mes connaissances. Bien m'en prend car dix ans plus tard, Air France élargit son recrutement. C'est mon second coup de chance car je vais bénéficier d'une formation adaptée à l'examen de pilote de ligne.
En 1979, en fin d’année, je trouve dans mon casier une circulaire de Sim (Gérald Similowski) annonçant qu'il souhaite créer une association pour "mettre les moyens du monde aéronautique au service de l'action humanitaire". Il recherche des volontaires. L'idée d'utiliser mon outil de travail dans ce but me séduit. Je deviens le 70e adhérent.
Dès le début, en 1980, je suis alors à la Postale de nuit volant sur Fokker 27 et C160P Transall, Sim réussit à convaincre le directeur de la Postale de prêter à Aviation Sans Frontières, un des 4 Transall inemployé du samedi matin au lundi soir.
Ma fonction d'adjoint technique me permet de préparer les vols, et parfois d'y participer.
En 1989, je suis Commandant de Bord sur Boeing 747, et Sim recherche un président pour le remplacer. N'ayant pas encore réussi à me convaincre, il m'invite dans un restaurant parisien. À minuit passé, poussés par les regards désapprobateurs du personnel, nous sortons. Sim a gagné. Il a trouvé un successeur !
Certaines dates laissent des traces dans les esprits. Pour la plupart de nos contemporains, le 21 décembre 1989 marque la fin du règne de Ceaucescu sur la Roumanie. Pour nous, membres d'Aviation Sans Frontières, l'événement marquant est tout autre.
Un des avions Transall du CEP utilisés pour nos missions
Ce jour-là, le bureau du quatrième étage à l'aérogare d'Orly Sud, était plus animé qu'à l'ordinaire. Quatre représentants d'une association d'entraide au Liban s'y trouvaient. Avec eux nous tentions de résoudre les dernières difficultés posées par l'acheminement d'un groupe d'environ quarante enfants. Initialement, ceux-ci auraient dû arriver de Beyrouth à Orly, pour être ensuite acheminés sur Marseille, où ils allaient passer trois semaines loin du vacarme des canons, et des cauchemars qui l'accompagnent. Le GIE (Groupement d’intérêt économique) ATR avait très aimablement mis à notre disposition un ATR 42 pour le parcours Paris-Marseille, et un équipage des essais en vol avait accepté cette mission bénévole.
Le Boeing 707 de la Middle East, allant directement de Beyrouth à Londres, au lieu de Paris prévu initialement, nous obligeait à faire poser l'ATR 42 à Londres pour y prendre les enfants, mais comme rien n'est jamais simple dans nos activités, les britanniques réclamaient un ultime document pour autoriser cet avion d'essai à se poser chez eux.
Alors que je venais de raccrocher le téléphone, celui-ci sonna. Une personne de MSF Paris se présenta, avant de m'annoncer :"Le BN 2 vient d'être abattu à Aweil (Soudan). Votre pilote, Yvon Feliot, deux membres de MSF et un représentant du Programme d'Aide Alimentaire Mondial étaient à bord. Il n'y a pas de survivant."
J'en restais initialement sans voix, décomposé, choqué. Ne pouvant tout traiter simultanément, je transmis cette information à un autre membre d'Aviation Sans Frontières qui se trouvait là puis, malgré l'abattement, je repris les échanges avec Toulouse et Londres. Le soir même, j'accueillais pendant leur transit à Orly, les enfants libanais avant qu'ils rejoignent Marseille.
Par une étrange coïncidence, le jour même où ces enfants venaient chez nous chercher un peu de paix et d'amour, notre ami Yvon Feliot, dix ans après la création d'Aviation Sans Frontières, ouvrait son martyrologe. Est-ce l'effet de mon incorrigible optimisme ? Toujours est-il que je ne peux m'empêcher de voir, au-delà de la peine provoquée par la perte d'un ami, une lueur d'espoir dans la simultanéité de ces deux événements.
Yvon Feliot
En 1991, Primo Biason me remplace à la présidence, et je deviens vice-président.
Un autre tournant d’Aviation Sans Frontières est l’obtention de notre certificat de transporteur aérien. En 2009, à la suite de l'accident d'un avion d'une compagnie travaillant au profit de l'ONU en République démocratique du Congo, le WFP (World Food Programme, ou Programme Alimentaire Mondial / PAM) dénonce tous ses contrats, dont le nôtre, et ne prend plus que des compagnies titulaires d'un certificat de transporteur aérien (CTA).
Nous effectuons des premières démarches auprès de la DGAC (Direction générale de l’aviation civile) qui, du fait de notre exploitation particulière, nous oriente vers le CTA d'une compagnie africaine. Jean-Claude CUISINE-ÉTIENNE et moi passons alors 4 à 5 mois dans un travail de fous pour disposer d'un manuel d'exploitation acceptable.
A cette époque, nos avions sont inscrits dans la liste de flotte de cette compagnie africaine. Mais nous avons conscience que, du jour au lendemain, cette entreprise peut refuser de reconduire cet accord. Jean-Claude parvient à convaincre le Directeur de l'aviation civile d'examiner avec bienveillance une demande de CTA européen. Le travail précédent a porté des fruits, et en 2012 nous sommes la première ONG (et actuellement toujours la seule) a détenir un CTA européen !
Aujourd’hui j’œuvre toujours auprès des Missions Avions, et plus particulièrement la mise à jour régulière du MANEX (Manuel d’exploitation), l’édition des fiches de terrain et les calculs des limitations de nos Caravan.
Et si je me tourne vers ma première mission avion en 1981, sur C206 au Zaïre (devenu depuis la République démocratique du Congo), beaucoup de choses ont changé dans le formalisme des préparations et réalisation des missions, mais déjà à l'époque, bien que nous n'ayons pas de CTA et aucune ambition d'en avoir un, nous étions déjà très attachés à travailler comme dans une compagnie aérienne. Le professionnalisme était déjà présent. Il a été complété depuis par une professionnalisation.
Le C206 au Zaïre