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Similowski

One of the founders of Aviation Sans Frontières, Gérald Similowski, is still a beacon for the association

16/07/2020

Peux-tu nous raconter comment est né(e) ta passion / ton intérêt pour l’aéronautique ?

Dans le métro par une affiche en couleur. Elle montrait un pilote de chasse, casque sous le bras, montant dans son avion et en grosses lettres « Pourquoi pas vous ? ».

J’avais quitté l’école à 16 ans avec mon brevet. Plusieurs apprentissages en couture et en commerce ne m’enthousiasmaient pas. Le service militaire approchant, pour me donner des chances de le faire de façon pas ordinaire, je me suis inscris un peu par hasard dans un aéroclub à Toussus-le-Noble pour passer mon brevet de tourisme 1er degré. Ainsi est née une envie impérieuse d’avion et de vol.

C’est là en 53 où « l’affiche » a été déterminante pour m’engager dans l’armée de l’air, seul moyen de voler. Pendant cinq ans, avec une formation aux USA pleine d’obstacles éliminatoires, j’ai pu voler sur des avions de chasse et de transport. Passionnant et excitant !

Et aussi surtout, ma solde m’a permis de me payer des cours du soir pour me mettre au niveau des brevets et concours nécessaires à l’aviation civile. 

Et un petit rappel de ta carrière chez Air France ?

En trente-quatre ans d’aviation civile, j’ai pu voler sur des avions mythiques, allant de ceux un peu rudimentaire à hélice, en passant par les jets naissants, à ceux aux cockpits cathodiques. Souvenirs et sensations inoubliables. 

Air France est une grande famille très homogène, respectueuse des valeurs humaines, attentive à l’évolution de chacun, même si les exigences techniques, médicales et de contrôle permanent sont très élevées.

Les navigants techniques et commerciaux y forment comme un corps initiatique, les anciens formant les jeunes. Après dix ans de progression ceux-ci deviennent instructeurs et contrôlent les anciens. La boucle est bouclée. Quel beau métier.

J’ai aussi une grande admiration pour les structures au sol et les personnels qui les animent. Ils ont les mêmes passions, intérêts, motivations afin que l’avion puisse voler au mieux de ses performances techniques et commerciales en toute sécurité. Bravo 

À quel moment as-tu connu André Gréard et Alain Yout et comment a débuté votre coopération ?

« Ça peut marcher ton truc » ainsi a été le verdict d’André quand je lui ai présenté le projet et sa sentence a sonné pour moi comme une bénédiction.

André a été le seul pilote à la compagnie que je n’ai jamais pu tutoyer tant il était respecté et m’impressionnait. Il était un leader incontesté de toute la diversité des navigants alors très soudés. 

En 1965 j’étais copilote sur 707 et ai fait quelques vols avec lui. L’équipage se composait de deux pilotes, d’un mécanicien, d’un navigateur, d’un radio, de seulement 6 PNC et 140 passagers. Quelle évolution depuis ! (2 pilotes, 20 PNC, 500 pax).

J’ai connu Alain, à la fin des années 70 alors que j’étais examinateur en vol pour les épreuves finales de la mythique école de Saint Yan. Ce polytechnicien qui avait abandonné les voies prestigieuses de la grande administration pour se consacrer à sa passion du vol m’a séduit par ses qualités humaines et sa solidité de sportif de haute montagne.

Du bouillonnement des idées «post soixante-huitard» d’un groupe d’une trentaine, promoteurs de l’engagement humanitaire, c’est naturellement que nous trois devions devenir les fondateurs.

Par nos âges respectifs, la soixantaine de l’expérience, la cinquantaine de la maturité, la trentaine de la jeunesse nous représentions symboliquement « l’esprit d’équipage » et le continuum des générations.

C’est aussi tout naturellement que c’est imposé le nom d’AVIATION Sans Frontières afin que toutes les spécialités, toutes les fonctions y soient représentées et s’y sentent à l’aise.

Plus de 10 ans se sont écoulés entre l’initiative prise par André Gréard d’initier un pont aérien pour venir en aide aux victimes de la guerre du Biafra et la création d’Aviation Sans Frontières. Pourquoi autant de temps ? Peux-tu revenir sur la genèse de la création ?

Les choses, comme les plantes, ont besoin de maturation avant d’éclore solidement. 

À la suite de l’engagement au Biafra d’une vingtaine de pilotes et de mécaniciens navigants avec un Constellation et un DC3, d’autres actions sporadiques menées par des initiatives individuelles ont eu lieu au profit du Bangladesh et plusieurs fois du Sahel sous l’impulsion de Georges Clerc (médecin et pilote de ligne). Le besoin d’engagement humanitaire était patent.

De mon côté, la cinquantaine approchant, ma carrière étant bien assurée, il était temps de mettre mes rencontres, mon éthique personnelle, mes utopies et mes rêves au contact du concret et des réalités. Il était temps d’associer mon amour de l’avion à ma fibre du partage.

Ainsi en 1980 les « trous du gruyère » se sont alignés, les choses étaient mures et suffisamment en coïncidence pour qu’une association puisse fédérer les énergies, les bonnes volontés et pour les traduire en actions pérennes. Début d’une superbe expérience humaine.

Peux-tu nous raconter un des faits de l’association les plus marquants à tes yeux ?

Hormis notre avion abattu par un missile en 89 entraînant la mort d’Yvon notre pilote et ses trois passagers je ne saurais en choisir un plus que d’autres, il y a tant de faits marquants.  

Après l’engouement des nombreuses réponses suite au premier appel, il y a eu les « toutes premières fois » celles, d’un avion de transport mobilisé, d’un avion léger engagé, de l’enfant accompagné, des colis livrés, du vol de découverte effectué, d’ados accueillis, de réfugiés assistés. Que d'émotions.

Il est encore plus marquant que toutes ces « premières » aient été suivies, amplifiées, démultipliées par des dizaines de responsables, par des milliers de bénévoles pour soulager, solitudes, malheurs et détresse.

Aussi Il est marquant que, grâce au travail de fourmi de tous ceux qui se sont engagés, Aviation Sans Frontières soit reconnue par notre milieu aéronautique, par des Fondations comme celles d’Air France et d’ADP, par la DGAC, par des organismes humanitaires de renom.

Et puis je suis frappé que notre mouvement ait pu séduire des personnalités marquantes, comme Angun, Bertrand Piccard, Yan Arthus Bertrand et Thomas Pesquet, au point qu’ils s’engagent à nos côtés. Quel honneur. 

Aujourd’hui l’association a 40 ans. Le bilan sonne pour toi avec nostalgie ou réjouissance ?

Drôle de question ! Comment pourrait-on être nostalgique alors qu’il n’y a que matière à se réjouir.

Les magnifiques actions et les engagements du passé ont servi à construire l’intense présent.

Présent qui voit s’étoffer, se diversifier les missions, les bénévoles, les donateurs et les sympathisants, en un mot, qui voit de plus en plus le monde de l’aérien s’impliquer dans l’action humanitaire.

Aussi, Il y a quelques semaines, des « cadets » connaissant notre éthique et nos actions m’ont contacté pour proposer leur bénévolat pendant leur arrêt de stage.

En somme par sa qualité, le Présent prépare son Avenir. Cela n’est-il pas réjouissant ?

Malgré les drames, les blessures, les maladies, les traumatismes subis en service par quelques-uns de nos membres, malgré les difficultés quotidiennes pour faire face aux situations critiques, malgré l’incessant combat à mener par nous-mêmes et aux côtés d’autres organisations pour être là où il y a misère et détresse,  je me réjouis que l’avion en trouvant toujours le soleil dernière les nuages puisse être porteur d’Amitié, de Générosité et d’Espoir.