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Témoignage Jacques

Témoignage bénévole : ne jamais dire jamais !

29/01/2025

Jacques, qui fut pilote de ligne pour Air France pendant près de 40 ans, partage avec nous ses émotions intenses, la découverte d’un monde jusque-là inconnu, et une vocation nouvelle. Découvrez son témoignage.

Cotonou, octobre 2014, 22h30. Pendant l’embarquement, le chef d’escale me signale : "Captain, vous aurez deux bénévoles d’Aviation Sans Frontières avec trois enfants malades". L’équipage les accueille et les installe au mieux. Plus tard, survolant le Sahara dans la longue nuit, je pense à eux et à leur engagement avec admiration ; leur voyage doit être bien fatigant. Pour ma part les vols de nuit me sont de plus en plus pénibles. Mais dans un mois : la retraite. Je suis impatient de passer le reste des nuits de mon existence dans un lit. Jamais je ne pourrais faire ce qu’ils font !

Et pourtant… quelques mois plus tard, je me retrouve, vêtu de mon gilet bleu siglé Aviation Sans Frontières prêt à embarquer vers Bamako avec un bébé dans les bras ; son opération du cœur en France s’est bien passée, le moment des retrouvailles avec sa famille au Mali sera une grande émotion. 

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Jacques, bénévole


Depuis, je me suis donc engagé auprès d'Aviation Sans Frontières et enchaîne les voyages avec des enfants malades ou guéris au rythme d’un à deux par mois. La fatigue des vols est bien là, mais quelle satisfaction ! De se rendre ainsi utile, oui, mais pas seulement : je me rends vite compte que ces enfants, je les aime, leur vie est menacée mais ce voyage va permettre de les aider à vivre.

Alors on les entoure, on les rassure, on joue avec eux, c’est souvent joyeux ! Je ne suis qu’un maillon de la chaîne, une chaîne de solidarité de personnes qui ont la même motivation et qui ressentent la même émotion que moi : ce sont les familles d’accueil, les bénévoles des associations médicales, mais aussi plus largement les personnels des escales et les équipages ; je les sens heureux de participer à cette action humanitaire, de s’intéresser à l’humain plus qu’aux valeurs matérielles

C'est vrai, il y a tout de même des moments difficiles. Lorsque l’on arrache un petit enfant à sa famille pour l’emmener dans nos bras blancs d’occidentaux, dans un aéroport puis dans un avion ; un univers bien loin de son cadre habituel. Quand l’enfant au cœur faible supporte mal le voyage, il nous donne des inquiétudes sur sa santé, voire pire. Quand l’on se demande si on va pouvoir se dépatouiller de contrôles de police tatillons ou… très lents ! Quand notre avion est en panne, planté, et nous avec notre enfant dans les bras. Quand un enfant-ado guéri refuse au dernier moment de ré-embarquer vers son pays, attiré par notre monde plus moderne… Alors à ces moments-là, il peut m’arriver de douter et d'imaginer arrêter les accompagnements. Mais, depuis 10 ans maintenant, je vis tant de moments chargés d’émotions ; cela et le sentiment d’être utile font pencher la balance. Le bénévolat, c’est bien sûr apporter de l’aide à autrui, mais n’est-ce pas aussi se faire du bien à soi-même ?

Témoignage recueilli par L'ARAF - Présence N°217 - Juillet 2024.