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ma première mission

Ma première mission

08/12/2022

Par Marie Christine

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Nadia et son accompagnatrice

Marie Christine partage avec nos lecteurs sa première expérience en tant que bénévole de la mission d'Accompagnements de Réfugies. Récit : 

Ça y est : je me lance comme volontaire pour aller chercher Nadia, petite fille de 4 ans, érythréenne, que je vais escorter d’Addis Abeba à Manchester. Sa maman, sa grand-mère, et d’autres membres de sa famille vivent déjà à Liverpool et n’ont pas revu Nadia depuis 17 mois. C’est donc avec une grande motivation que je commence les préparatifs : regroupement des documents, relecture des consignes, réservations des billets d’avion. L’excitation est là, mais aussi une petite appréhension, car je ne sais pas vraiment ce qui m’attend.

Tout doit être minutieusement préparé pour mener à bien cette mission : vérification des remplissages d’avion, évaluation des différents parcours possibles, préparation d’un plan B en cas de problème.
Premier soulagement : il y a de place à bord, je suis enregistrée pour Addis Abeba et vais pouvoir rejoindre Nadia. Arrivée à Addis Abeba, une navette m’attend pour me conduire à l’hôtel réservé par Aviation Sans Frontières. 

Je prends aussitôt contact avec le représentant IOM (International Organization for Migration) à Addis Abeba pour le prévenir de mon arrivée et fixer le rdv du lendemain avec Nadia. Je suis impatiente de la retrouver, je relis les consignes et les conseils. La communication avec Nadia ne sera sans doute pas aisée car il y a la barrière de la langue. Il va donc me falloir deviner ses besoins, savoir la rassurer… J’ai hâte. En attendant, je fais un petit tour dans Addis ; la misère est partout, on ne peut pas l’ignorer. Je pense à Nadia et à sa famille, à tous ceux qui fuient leur pays, et je réalise davantage l’importance de nos missions. Je rentre à l’hôtel pour une bonne nuit de repos, afin d’être le plus en forme possible.

Notre rendez-vous était d’abord fixé à l’aéroport, mais au cours de la journée, on m’a prévenue que notre rencontre se ferait finalement au Transit Center d’Addis Abeba. Je demande donc au taxi de m’y conduire. La tension s’accentue… Nous y parvenons non sans difficultés car Addis est une ville immense. Je me trouve devant un grand portail en fer, que quelqu’un vient entrouvrir pour me laisser entrer. Beaucoup de monde dans la cour, un brouhaha incroyable. Une dame s’avance vers moi et me montre Nadia du doigt, une petite fille perdue dans la foule. Elle attend, déjà vêtue de vêtements d’hiver, prête à affronter les températures moins clémentes de Manchester. Je la prends dans mes bras, elle comprend très vite que c’est avec moi qu’elle va partir, je devine dans son regard un peu d’inquiétude.

On nous fait aussitôt monter dans le bus qui va nous conduire à l’aéroport, avec d’autres migrants. La dame qui m’a présenté Nadia charge son lourd bagage puis monte avec nous et nous accompagne. Elle m’explique que c’est elle qui a pris soin de Nadia depuis qu’elle est séparée de sa maman. Elle est triste et se met à pleurer, Nadia aussi. Elle lui explique à nouveau qu’elle va retrouver sa maman, la tristesse disparait. Elle me dit que Nadia sait où on l’emmène, et que malgré son jeune âge elle n’a jamais oublié sa maman, qu’elles ont entretenu des relations par téléphone. Elle me donne rapidement quelques consignes sur la nourriture de Nadia, elle me communique le mot magique, ‘popo’, qui me permettra de comprendre que Nadia veut aller aux toilettes. L’émotion m’envahit lorsque le bus franchit le portail, sous un mélange de cris et d’applaudissements, j’ai l’impression que l’on sort d’une prison. Nadia est sur mes genoux, elle semble confiante.

On nous dépose à l’aéroport, la dame s’éclipse discrètement après un dernier baiser furtif à Nadia. Me voilà seule avec elle, ravie de pouvoir l’accompagner vers une vie meilleure.

Les formalités en aéroport s’effectuent sans difficultés. L’attente va être longue, le départ du vol étant prévu 6 heures plus tard. Il va donc falloir occuper ces quelques heures. Nadia se révèle être une petite fille très gaie, elle se montre ravie de tout ce que je lui propose. Nous allons d’abord dîner, puis nous allons nous installer sur des fauteuils pour faire du coloriage. Nadia sourit, c’est un plaisir de la voir aussi enjouée. Elle ira même jusqu’à danser sur quelques notes de musique provenant du café du coin. Malgré la barrière de la langue, une complicité s’établit entre nous. Quel bonheur de savoir que ce bout de chou va retrouver sa maman dans quelques heures. Nous allons nous occuper ainsi jusqu’au départ du vol car Nadia ne donne pas de signes de fatigue.

Puis nous embarquons. Les retrouvailles approchent. A peine décollés, Nadia se voit offrir une pochette avec divers jeux et une petite peluche. Elle est aux anges, elle serre pochette et peluche dans ses bras et plonge dans un profond sommeil. Je l’allonge du mieux que je peux, elle ne se réveille même pas à l’escale de transit à Genève. Elle ouvrira les yeux au moment du petit déjeuner, quelques minutes avant l’atterrissage.

Atterrissage ! La tension monte… Nadia m’interroge du regard, j’essaie de lui faire comprendre que oui nous sommes arrivées, et elle va retrouver sa maman. Elle ne dira plus un mot jusqu’à la sortie, j’essaie d’imaginer ce qui se passe dans sa tête.
J’envoie les messages attendus par IOM, nous passons sans encombre les formalités, et arrivons aux bagages. Le moment est très fort. Nous franchissons a peine le dernier hall , que nous entendons les cris et hurlements de joie de la famille de Nadia.

Tout va très vite : nous nous approchons et ne sommes même pas sorties que la grand-mère de Nadia l’attrape au travers des rambardes et l’attire contre elle. Ce ne sont que larmes et cris de joie. Plusieurs membres de la famille sont là : maman, grand-mère, oncles. Je suis happée par la maman de Nadia qui me serre dans ses bras et ne cesse de m’exprimer toute sa gratitude. Bien évidemment l’émotion m’envahit, je réalise qu’à ce moment-là c’est sur moi que se reporte toute leur gratitude. Je suis remerciée 20 fois, ils me proposent de déjeuner avec eux, me posent des questions sur le voyage de Nadia, a-t-elle mangé, a-t-elle pleuré, a-t-elle dormi ?

C’est à ce moment-là que la mission prend tout son sens, et que l’on éprouve non seulement de la joie, mais aussi de la fierté, et que l’on ne demande qu’à recommencer ! 
 

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