Image
LE BIAFRA OU LES PRÉMICES D'AVIATION SANS FRONTIÈRES
23/03/2020
À l'occasion de nos 40 ans, voici le deuxième épisode des récits de notre histoire : la crise du Biafra en 1968.
En 1968, des pilotes et mécaniciens navigants d’Air France, profondément touchés par le conflit au Biafra, décident de participer à une opération de survie en créant un pont aérien. Cet épisode marque la prise de conscience du rôle du monde l’aviation dans les opérations humanitaires. Deux témoignages, d’Edmond Kaiser et d’André Gréard, reviennent sur ces premières initiatives qui déboucheront en 1980 sur la création d’Aviation Sans Frontières.
Edmond KAISER, fondateur de Terre des Hommes et Sentinelles
« 1968, Biafra. … Puis, quand même, le soir.
Tous les petits dans les camions moitié ferraille et bouts de ficelle, chacun posé avec précaution. Route interminable, pneus crevés à répétition.
Enfin la piste. Un miracle d’y être parvenus.
La pluie, folle d’attente et de colère.
(…)
Les appareils vont, viennent, se posent, déchargent, s’envolent. Il en est d’immenses. Nous racolons, auprès des commandants de bord : Voilà, mon commandant. Nous nous appelons Terre des hommes. C’est un mouvement qui, c’est un mouvement que… Nous avons avec nous une centaine d’enfants qui vont mourir. Nous allons à Libreville. Voulez-vous nous prendre ? Gratuitement ? Allez, mon commandant…
Nous ne sommes jamais restés en rade. Il y a toujours eu quelqu’un pour nous prendre. Commandant Bourdens, commandant Gréard.
Nous montions les enfants par une échelle si frêle que nous pensions tomber. Sur le sol de l’avion, aluminium ou linoléum, une fois chacun doucement déposé, ils s’endormaient instantanément. Dans une sécurité absolue. Ils savaient. Bercés de certitude, en pleine musique de leur résurrection.
Et battent à tous vents, tendres et fraternelles, les ailes généreuses d’Aviation Sans Frontières ! »
André Gréard, ayant participé à cette opération en 1968, et l’un des trois membres fondateurs d’Aviation Sans Frontières
« A l’automne 1968, c’était à ULI dans le delta du BIAFRA. ll faisait chaud et humide. Au milieu de la nuit, nous embarquions des enfants biafrais dont la vie ne tenait plus qu’à un fil. Nous avions apporté des vivres et des médicaments dans l’avion de la Croix Rouge. Le fameux Super Constell F-BRAD affrété par la Croix-Rouge française, et bien que l’appareil n’était équipé qu’en cargo, des couvertures avaient été étalées pour installer les petits biafrais recueillis par l’équipe d’Edmond Kaiser. Il était là, affairé, éperdu devant cette misère. Nous avons parlé. Il est reparti en chercher d’autres. Ceux-là sont arrivés à Libreville, mais pas tous vivants. Je l’ai revu à plusieurs reprises après cela mais il y eut toujours de la buée sur nos paupières à l’évocation de ce souvenir. »
ICARE N° 263
LES AILES FRANÇAISES AU BIAFRA (1967-1970)