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Voici ma vie, pour les 82 premières années en tout cas ! Alain Chauvaud, bénévole à la Messagerie Médicale, raconte...

15/10/2018

Aviation Sans Frontières est ma deuxième famille. Les accidents de mon épouse et les miens m'en éloignent, et j'en suis très triste. Bon, trêve de pleurnicheries, voici ma vie, pour les 82 premières années en tout cas !

Je suis né le 28 décembre 1935, par une belle journée d'hiver. 28 décembre, fête des Saints Innocents, ce qui m'a valu force quolibets dans mon enfance, auxquels je répondais par le dicton "Aux innocents les mains pleines".

En septembre 1939, la 2e Guerre Mondiale éclate et mon père est mobilisé, comme sous-lieutenant de cuirassiers, à cheval, s'il vous plaît ! Il charge les panzers allemands et le résultat ne se fait pas attendre. Il est fait prisonnier le 19 mai 1940, jour de l'armistice et je ne le reverrai qu'en mai 1945.

J'ai passé la guerre réfugié à Orléans chez des amis, avec mon frère aîné (de deux ans) et ma mère que j'adorais et dont j'étais le chouchou. J'ai donc fait mes études primaires au Lycée Pothier, à Orléans, de la 11° à la 7°.

Mon père revenu et la Guerre terminée, nous rentrons nous installer en région parisienne, à Saint-Ouen, où il monte une affaire de grossiste en équipements, pièces détachées et accessoires pour l'automobile.

Déjà, pendant la guerre, je m'intéressais aux avions que l'on voyait dans le ciel d'Orléans, des allemands, des anglais, des américains, dont les bombardiers qui nous envoyaient régulièrement dans les abris (et qui, sacrilège, blessèrent ma mère chérie à une jambe !) Mais j'aimais les regarder et essayer de les reconnaître. J'ai bien sûr aussi lu "Le grand cirque" de Pierre Closterman, "Normandie-Niemen" de Roger Sauvage et "Le survivant du Pacifique" de Georges Blond. Et tous les livres des as anglais, américains, russes, allemands, japonais ! Et beaucoup d'autres ! J'ai adoré !

J'entre au Lycée Condorcet où j'échoue à mon premier bac (pas assez d'études et trop de chahut !) et l’établissement me renvoie. Je pars alors en Angleterre, chez un "correspondant", à Oldham, où je découvre les joies du cycle-tourisme en montagne, des Pennines et des Cheviotts, et aussi les Auberges de jeunesse (Youth Hostels).

Après l’Angleterre, et assez naturellement, je commence ma vie professionnelle aux Établissements CHAUVAUD, à différents postes successivement, tout en suivant, en dilettante, une licence d'histoire à la Sorbonne.

Puis éclata la Guerre d'Algérie. Comme elle dura plus longtemps que mes études, mon sursis fut résilié et je fus incorporé le 5 mars 1959.

Ce fut l'École d'Application du Train, à Tours, puis, six mois après, l'affectation comme sous-lieutenant au 523° régiment du Train, à Montlhéry, que je quittais en mars 1960 pour me retrouver au fin fond de l'Oranais, à Géryville (actuel El Bayadh), où je me retrouvais, à la fois chef de peloton faisant des convois "en zone hostile" et attaché à l'État-Major du secteur comme "Chef du Service Train-Transport". Cette double casquette me permit d'être en relation avec les aviateurs du coin et de voler sur Broussard, Piper, DC3, T6, T 28, Hélicoptères H 24, Alouette, et même Djinn ! Et de sauter en parachute. Toutes choses qui n'étaient pas prévues, mais qui m'emplissaient d'aise !

Mon service militaire terminé avec la croix de la valeur militaire et la croix du combattant (auxquelles vint s'ajouter plus tard la Médaille de l'Aéronautique, dont je suis très fier !) je réintégrais les Ets CHAUVAUD, comme Directeur Commercial.

Mes différentes activités ne m'empêchèrent pas d'aimer et d'épouser en 1965 Marie-Claude, et d'avoir avec elle deux beaux enfants, Thierry et Valérie.

À la mort de mon père, l'affaire fut vendue, et je rentrais comme Directeur Commercial chez un fabriquant de freins pour l’automobile et l'aviation, Mintex, puis au Groupe ELIS, toujours Directeur commercial, de l'Usine de Puteaux cette fois, et enfin au Cabinet Seiler, assureur, où je terminais ma carrière.

Et pour faire partie de différentes associations, toutes liées à l'aviation : Aviation Sans Frontières, bien sûr, mais aussi Les Vieilles Racines, une Association boulonnaise de constructeurs de maquettes, le MKSB (j'ai moi-même construit 171 maquettes d'avions et 138 maquettes de chars au 1/72e). Et je suis moniteur de fabrication de maquettes dans une Associations destinée aux enfants de 9 à 14 ans, L'Outil en Main, à Boulogne. (NDLR : Alain a également été "donneur de voix", enregistrant des livres audio destinées à des personnes mal-voyantes ou non voyantes.)

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ALAIN

C’est à ma retraite, lors d'une réunion de voisins de mon immeuble, que je rencontre Michel Armbruster, président de l'Association des Vieilles Racines. Qu’est-ce ?! Durant la guerre de 14-18, les pilotes français avaient pris l'habitude de se saluer : "Salut Vieille Tige!". En 1922, les survivants fondent l'association du même nom. Vexés, les mécaniciens de l'aviation française, qui entretenaient les avions de ces pilotes, leur permettant ainsi de voler en sécurité, partent du principe que pour qu'il y ait une tige, il faut des racines, et ils fondent à leur tour, en 1926, l'Association des Vieilles Racines.

J’entre alors dans cette association et y rencontre, en 2002, Claude Giraud, lui aussi membre des Vielles Racines. Il me parle tout de suite d’Aviation Sans Frontières. J’en deviens adhérent et œuvre à la Messagerie Médicale.

J'ai tout de suite adoré ce "travail". J'aimais l'ambiance de Roissy, le contact avec tous les personnels d'Air France, les navigants, bien sûr, Commandants de bord, Co-pilotes, officiers mécaniciens, hôtesses, stewards,  mais aussi le personnel au sol, les administratifs de la préparation des vols, les entretiens avec les captains dans les bureaux de pré-vol, les contrôleurs au sol, les chauffeurs (et les quelques chauffeuses!) des navettes, tout le personnel qui s'occupe de nos colis, la dépose des colis devant l'avion, etc. Toutes ces tâches simples ou compliquées parfois, tous les contacts humains, parfois très chaleureux, que l'on peut lier dans ces conditions.

Et puis, il y a eu aussi les missions sur place, à Ouagadougou, à Yaoundé, Douala, et dans leurs environs et aussi d'autres voyages formidables pour convoyer des réfugiés, que j'ai été chercher à Katmandou ou à Kampala, pour les amener, dans des conditions parfois acrobatiques, à Bruxelles ou Amsterdam, avant leur départ pour les U.S.A.

Et tout ce que j'ai pu vivre et voir, les gens que j'ai pu rencontrer, et les missions extraordinaires, comme de tenir des stands pour faire des paquets à la FNAC, au moment des achats de Noël, et des convoyages d'enfants, vers les Comores, entre autres, extrêmement émouvants.

Alors, oui, j'ai un mal fou à vivre sans tout cela, qui m'a été brutalement arraché, alors que j'y étais heureux, très heureux.

 

Le 3 août 2023, dans sa 87 e année Alain vient de nous quitter