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Une nouvelle vie pour Solomon et Dawit, jeunes réfugiés orphelins
04/04/2017
" Il est 20 heures lorsque j’arrive à l’aéroport d’Addis Abeba. Devant le comptoir de Lufthansa je rencontre les jeunes qui me sont confiés par l’Office International pour les Migrations (OIM). Trois mineurs Erythréens, Fikadu (17 ans) que je vais accompagner jusqu’à Chicago (sa destination finale est Lansing dans l’Etat du Michigan), Solomon 15 ans et son frère Dawit 12 ans, qui partent eux pour Seattle dans l’Etat de Washington où ils seront accueillis, m’a-t-on dit, par une association luthérienne.
Un accompagnement comme tant d’autres et cependant un peu différent parce que les deux plus jeunes sont orphelins et il est assez rare qu’OIM nous en confie. Dès lors je m’interroge sur le sort qui leur sera réservé dans leur pays d’accueil.
olomon, Dawit et Fikadu à l’aéroport d’Addis Abeba.
Le voyage programmé est très long. Nos différents avions nous feront passer par Djeddah, Francfort, Chicago avant d’arriver à Seattle. Trente-cinq heures de voyage, temps de transit inclus !
Dès le départ, je découvre que mes trois adolescents ne parlent pas un mot d’anglais et bien entendu je ne parle pas un mot de leur langue natale qui est le Tigrinya. Tout bénévole confronté à ce problème sait que le langage des mains est universel. Manger, boire, mettre la vidéo de bord en route ou aller aux toilettes se dessine d’un doigt dans l’espace pour faciliter les échanges...
En fait, douze autres réfugiés vont se joindre à nous. L’agent d’OIM me dit qu’il serait bien que je veille aussi sur eux jusqu’à Chicago. Ce que je ferai de bonne grâce pour les aider à s’installer à bord, leur expliquer le fonctionnement des toilettes, les surveiller pendant le long transit à Francfort.
Baptême de l’air pour tout ce petit monde qui va découvrir que manger et dormir sont les deux seules activités possibles durant ces longs voyages aériens.
Sur le dernier tronçon Chicago - Seattle mes deux ados ne cessent de dormir. Epuisés, le visage enfoui sous la capuche de leur sweat, ils me paraissent encore plus fragiles. Quel a été leur passé ? Dans quelles conditions ont-ils perdu leurs parents ? Ces questions vont rester pour l’heure sans réponse.
Il est près de 23h30 heure locale lorsque nous arrivons sous la pluie à Seattle.
Ma correspondante nous accueille en exhibant une grande feuille de papier sur laquelle est inscrit « Welcome to America Dawit and Solomon ! »
Devant le tapis bagages, je rencontre la famille d’accueil qui va prendre en charge les deux orphelins. Il y a Chad le père, ingénieur pilote qui travaille pour le compte de la FAA (Federal Aviation Administration) et Jaime sa femme puis, leurs deux enfants Caleb (13 ans) et son frère Ethan (11 ans). Un autre homme se joint à nous. Il est natif d’Erythrée et son rôle va devenir à cet instant primordial. Il va expliquer aux enfants qu’ils ont désormais une nouvelle famille qui va les loger, les nourrir, les éduquer. Tout a été planifié, réglé. Clin d’œil du hasard, Solomon - c’est aussi le nom de l’interprète - va expliquer à toute la famille que les jeunes ont tout à apprendre d’elle. Tout à découvrir, de A à Z. Chad et Jaime sont prêts à assumer cette charge.
C’est en suivant l’actualité sur la guerre en Syrie que la famille a décidé de venir en aide à des enfants réfugiés quelle que soit leur origine. Le processus de sélection mis en place aux USA est sérieux et s’est déroulé parfaitement grâce à l’engagement de Jaime. La candidature de la famille d’accueil a été finalement approuvée d’où cet accompagnement de l’Ethiopie aux Etats Unis.
Solomon explique aux enfants comment va s’organiser leur nouvelle vie.
Premier geste d’accueil de Chad : il a prévu deux blousons de cuir pour les donner aux adolescents car la température est basse ce soir à Seattle. Et première bonne nouvelle : leur entrée en classe est prévue dès la semaine suivante dans un cours élémentaire pour leur permettre d’apprendre l’anglais et de découvrir peu à peu leur nouvelle vie. Vie qu’ils n’avaient sûrement pas imaginée, fût-ce en rêve !
Welcome to America et good luck boys ! "
Jean-Claude GERIN