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Portrait de Dominique, Trésorier d'Aviation Sans Frontières
22/09/2019
Quel est ton parcours avant Aviation Sans Frontières ? Comment es-tu arrivé dans ce milieu de l’aérien ?
Pour ce qui est du commencement, et même avant le commencement, il faut un peu évoquer mon père. Il était navigant, chez Air France. Je suis née avec « l’appel des airs » que j’ai finalement reçu avant même ma naissance car mon premier voyage en avion se fit dans le ventre de ma mère. Je suis un produit « made in Saïgon ». Mais travailler chez Air France ou plus largement dans le domaine de l’aéronautique n’était, au départ, pas du tout mon projet. J’ai commencé dans la finance, pour des cabinets de conseils américains, puis pour des grands groupes industriels français.
Un jour, j’ai découvert la communication financière, et j'ai mesuré ce que cela impliquait. Ça m’a passionné ! J’ai donc souhaité me recentrer sur cette expertise et ai été embauchée comme responsable de la section conseil en communication financière au sein d’une agence spécialisée. Au bout de 5 ans, j’ai créé mon agence. Monter seule son entreprise, qui plus est en communication financière est très dur. J’en ai bavé pendant 4 ans, d’autant que je devais faire face à des problèmes familiaux, mon père ayant de graves problèmes cardiaques. Au cours d’un déjeuner, une relation professionnelle m’a proposé de rencontrer un groupe américain qui était intéressé par l’activité de mon agence. C’était pour moi à ce moment-là une aubaine. Ce déjeuner a donc changé le cours de ma trajectoire professionnelle et les prémices, dont j’ignorais encore tout, de ma collaboration avec Air France allaient bientôt être posées.
Un hasard ? Qui saurait le dire ?
L’acquisition de ma société m’a permis d’intégrer une agence de communication financière reconnue et un nouveau client : Air France.
J’ai donc commencé à travailler avec la compagnie à l’occasion de l’ouverture de son capital de 1997 à 1999. Fin 1999, le Président de l’époque, Jean-Cyril Spinetta, m’a proposé de rejoindre l’entreprise. Ce que je fis en mai 2000 pour prendre la tête de la direction de la communication financière d’Air France puis d’Air France-KLM, poste que j’ai assuré jusqu’en 2013.
J’ai adoré travailler pour ce groupe, les challenges ont été extraordinaires et j’ai pu collaborer avec des gens passionnants.
Comment as-tu connu Aviation Sans Frontières ? Et à quel moment as-tu rejoint l’association ?
J’ai un jour croisé Henri Hurlin, que je connaissais par ailleurs mais dont j’ignorais l’activité bénévole au sein d’Aviation Sans Frontières. Il me donna sa carte et me lança « à ta retraite, rejoins-nous ! ».
J’ai mis la carte dans ma poche. Ma retraite est bien arrivée, mais j’ai, à ce moment-là, décidé de m’engager pour une association qui aide les femmes de plus de 45 ans à retrouver un travail ou à créer leur propre entreprise.
Au bout de 2 ans, j’ai souhaité quitter cette association, n’étant plus certaine d’apporter les conseils les plus pertinents à mes candidates. Mais je voulais continuer le bénévolat.
J’avais toujours la carte d’Henri et je savais qu’Aviation Sans Frontières organisait chaque année un trophée de golf. En tant que golfeuse, difficile de résister à l’envie de donner un coup de main. J’ai alors proposé mon aide et m’en occupe, avec d’autres bénévoles, depuis 4 ans. Je fais aussi des missions d’accompagnements de réfugiés et d’enfants malades.
Et puis à l’approche de la fin du mandat de Denis Durckel, notre ancien trésorier, on m’a proposé de prendre sa suite, ce que j’ai accepté.
Pourquoi décide-t-on un jour de faire du bénévolat ?
Trois lectures ont conduit mon cheminement. D’abord une phrase de l’ancien Président du groupe Lafarge, Olivier Lecerf que j’ai toujours gardée dans un coin de ma tête : « il y a toujours un moment où il faut savoir rendre les choses que nous avons reçues ».
Les deux autres lectures sont des articles du Monde. L’un parlait d’avocats d’un grand cabinet américain qui travaillaient gracieusement pour la défense des droits des prisonniers de Guantanamo. Ces avocats prenaient beaucoup de risques, autant professionnels que personnels, pour assurer cette défense.
Enfin, l’autre article concernait le docteur Denis Mukwege qui est engagé auprès des femmes victimes de sévices sexuels, sévices utilisés comme arme de guerre. Lui aussi mettait sa vie en danger pour soigner et rendre leur âme à ces femmes. J’ai compris à ce moment-là que tout le monde, à son niveau, pouvait mener des actions exemplaires, voire héroïques et ça m’a donné à réfléchir. Ces lectures sont très certainement à l’origine de mon engagement.
Mais il fallait encore un déclencheur, un jour particulier. Ce jour-là nous a tous saisis. C’était le 13 novembre 2015. Très clairement les attentats ont marqué pour moi un point de basculement : tomber dans la facilité de la haine de l’autre ou ne jamais céder. Une petite voix m’a soufflé « tu ne tomberas pas dans le piège de la colère ».
Aujourd’hui trésorière, peux-tu nous expliquer ce poste et les enjeux que cela représente pour l’association ?
Le poste de trésorier que j’occupe aujourd’hui est large car il intègre également le contrôle de gestion et la communication financière. Je suis là pour mener une réflexion avec les équipes sur l’emploi au mieux de nos ressources. Mais Aviation Sans Frontières a une singularité. Il s’agit de sa mission Avions en Afrique qui peut l’exposer à des coûts importants. Il faut donc s’assurer d’avoir la trésorerie nécessaire pour pouvoir faire face à des aléas très coûteux. Quand un de nos moteurs se fait foudroyer comme cela nous est arrivé il y a deux ans, il faut pouvoir répondre au plus vite. Il est important aussi de faire en sorte que chacun des bénévoles mène au mieux sa mission même s'il est toujours nécessaire d’optimiser l’emploi des fonds que nous confient nos donateurs.
As-tu des souvenirs marquants ?
Ma première mission bien sûr. Je pense qu’on ne l’oublie jamais. Je suis allée chercher un enfant malade. J’ai passé une nuit blanche à surveiller son sommeil et à essayer d’assurer son bien-être. Le sentiment le plus désarmant et beau qu’il m’ait été donné de ressentir est celui de la confiance qui t’est donnée par les enfants et leurs parents. Tu n’es pour ces enfants, les parents de ces petits, les réfugiés que tu accompagnes également, qu’une inconnue. Ils ne t’ont jamais vue et ne te reverront ensuite jamais. Mais les parents te confient leurs petits. Quelle responsabilité, d’autant que ces enfants te prennent la main et te suivent en toute confiance. Cela n’arrive jamais ou très rarement dans nos vies. Et chaque mission me laisse une trace dans le cœur.