Image
Bénévoles, salariés, volontaires : les visages de l'humanitaire
22/03/2017
Retour sur notre deuxième colloque
Elisabeth PASCAUD - Vice-présidente de France Bénévolat et référente « formations »
Il y a de plus en plus de bénévoles en France. Quelles sont leurs principales motivations ?
Jacques GODFRAIN - Président de France Volontaires
En 1963 (année des indépendances), le Président Charles de Gaulle créé une association des jeunes désireux d’aller plus loin : les volontaires du progrès. Ce mouvement a été initié avec des jeunes venant de milieux agricoles, par le biais de maisons rurales.
Plus récemment, France Volontaires a agi à la demande du Ministère des Affaires étrangères, du fait en autres du scandale de l’Arche de Zoé, pour sélectionner les profils des candidats qui partent à l’étranger. France Volontaires a un rôle d’éveilleur. Il a été décidé la création d’une plateforme qui permet d’harmoniser les actions et repérer parmi les candidats ceux qui sont réellement tournés vers l’autre, et qui ne désirent pas partir parce qu’ils ont des problèmes personnels par exemple. Aujourd’hui France Volontaires est en lien avec le Ministère des Affaires étrangères, mais aussi avec l’Agence du service civique.
Plus récemment, les attentats au Niger et au Mali ont conduit à rapatrier les jeunes ce qui a parfois été problématique car ces jeunes ont des attaches. Ils ont fait une demande au Président local : désigner des jeunes locaux qui seront ensuite accueillis en France : idée qui a porté ses fruits, les jeunes se sont intégrés.
Aujourd’hui France Volontaires aide les jeunes à partir et cultiver le « Sud Nord ».
Philippe RYFMAN - Avocat, Docteur en science politique et diplômé d'études supérieures de droit privé, Chercheur sur les questions non gouvernementales et humanitaires
Aujourd’hui il existe des formations pour les jeunes qui veulent travailler dans le secteur de la solidarité internationale. Ce qui soulève un certain nombre de questions : Former sur quoi ? Quelles compétences ? Quels métiers ? Etc.
On note une difficulté à nommer ce dont on parle : bénévoles, volontaires ? Bénévole se dit volunteer en Anglais. Pendant longtemps les ONG américaines s'appelaient PVO pour « private volunteers organisation ».
Quelques chiffres : aujourd’hui 23% des Européens de plus de 15 ans sont engagés. En réalité, seulement 11% d’entre eux sont impliqués dans l'aide internationale.
Il est important de distinguer l’amateurisme du professionnalisme surtout dans l'humanitaire : on ne s'improvise pas humanitaire. 1er critère : quelles compétences ? L’évolution est considérable. Au départ dans les années 70 et 80, les humanitaires avaient des compétences médicales, mais surtout des compétences générales. Aujourd’hui l’humanitaire requiert des compétences spécifiques par exemple en communication, en plaidoyer.
Cette montée en compétence est liée à une série de facteurs :
Bénévoles, salariés : Sur quel type de tâche ? Quelle durée ? Le recours à des professionnels bénévoles est fréquent mais pour un temps limité. Pour d'autres compétences et pour un temps plus long, le recours à des salariés est devenu la norme. Pour des fonctions de direction, de coordination, direction programme pays, les ONG ont besoin de professionnels qui ont des compétences dans ce type de fonction, et les bénévoles y ont peu de place.
Christian MASCARO - Chargé d’orientation professionnelle de l’Institut Bioforce
Rôle de l’Institut Bioforce : former des spécialistes dans et sur les crises par exemple en RCA et RDC. Christian Mascaro est conseiller parcours et métier :
Il est essentiel de mettre en garde les futurs engagés et leur rappeler le sens de cet engagement. Aujourd’hui il y a « des stars de l'humanitaire », des gens qui sont très bien payés, avec des salaires au-delà du million aux USA. Plusieurs réactions face à cela : résister face à ce changement, ou faire partie de la dynamique en insufflant du sens. On travaille avec des victimes, des gens dans le malheur. Le besoin d'être idéaliste est fort. L’humanitaire est un professionnel engagé et il n’évolue pas dans un secteur comme les autres. Besoin d’une dose d'engagement : humanisme pragmatique.
Cyril COSAR - Psychologue clinicien, expert en stress, trauma et risques psychosociaux, Secrétaire Général d'Action contre la Faim France
Cyril Cosar intervient auprès des humanitaires avant, pendant et après leur mission. Clinicien, il a intégré une ONG dans l’optique d’apporter un soutien psychologique aux humanitaires, d’ajouter une ressource auprès des personnes engagées. Il a été le premier à avoir ce poste en France. Il opère aujourd’hui à l’extérieur, en appui à plusieurs ONG.
Evolution vers une professionnalisation de l’humanitaire : aujourd’hui le besoin d’une « bureaucratie » avec des couches de salariat est assez fort.
Cyril Cosar parle d’une culture humanitaire française très différente de la culture anglo-saxonne : les salaires, le système organisationnel, etc. Dans la culture française, « donner du sens » est presque un lieu commun selon lui.
Exemple : le « recyclage » de compétences bancaires au profit de quelque chose, d'une utilité sociale, est quelque chose de très présent.
Il y a aussi une volonté de voyage, d'enrichissement, de rencontre avec l'autre.
Certains évoquent un métier technique avec un challenge différent, de nouvelles contraintes techniques.
Caroline SOUBIE - Responsable engagement formation et initiative de la Croix-Rouge française
Pourquoi les bénévoles restent à la Croix-Rouge française ?
Pourquoi former ?
Exemple de formation : un parcours dédié à la prise de responsabilité pour les jeunes sans diplôme et/ou sans expérience a été créé. Ils vont apprendre à gérer une réunion, une équipe etc. l’accès à des Masterclass qui permettent à des jeunes de suivre des personnes du CA par le biais de séminaires.
Francis CHARHON - Consultant expert en philanthropie chez FCHConseil, Directeur général de la Fondation de France de 1992 à 2016
Clarifier la situation du bénévole :
Eric GAZEAU - Directeur de Résonances Humanitaires
Résonance humanitaire : la question de la professionnalisation des ONG est au carrefour des statuts de bénévoles, de volontaires, de salariés.
Retour sur son parcours :
La création d'une structure est née de ce constat : éviter la mission de trop, voir les opportunités pour les humanitaires. La structure fête ses 15 ans d'existence aujourd’hui. Il s’agit d’un réseau d'entraide qui compte 40 coaches bénévoles. Elle œuvre en soutien des autres ONG, est une ONG support comme CART’ONG Aviation Sans Frontières, etc. Résonances humanitaires est un SAS d'écoute et de décompression, qui opère aujourd’hui en partenariat avec des grandes entreprises, mais aussi des ONG et le Ministère des Affaires étrangères.
Parmi les humanitaires qui viennent à Résonnances Humanitaires, 3 types de profils :
Il n’y a pas d’opposition bénévole / salarié: communauté dans sa diversité.
Alexandre DARCAS - Responsable Recrutement & Parcours chez Première Urgence Internationale
Au siège de Première Urgence Internationale (PUI) seuls des salariés et des stagiaires évoluent. Pour lui, les stagiaires font aussi partie de ce microcosme. PUI a recours à des bénévoles sur des aspects très techniques comme des traducteurs d'Arabe, mais aussi pour des tâches telles que la saisie de données ou la mise sous pli. Le siège a de nombreuses contraintes, et il lui est ainsi difficile de faire appel à des bénévoles.
Le processus de recrutement s’effectue y compris auprès des bénévoles : sélection pour les salariés, les stagiaires mais aussi les bénévoles. Par exemple, les bénévoles passent des entretiens où on leur demande pourquoi ils souhaitent s’investir chez PUI, quelles sont leurs motivations, etc. Le suivi RH permet aussi d’améliorer leur accompagnement. La notion d’intégration ou d’ « onboarding » est importante : quel que soit le statut, il est nécessaire que chacun s'intègre.
La rétribution est une composante à ne pas négliger : pour un bénévole, cela va être l’acquisition de compétences. Ils vont ainsi être intégrés à des réunions.
Elaboration d’une convention : celle-ci permet de replacer quelqu'un à autre poste plus adapté, ou ne pas continuer avec la personne si elle se comporte mal.
Mécénats de compétence : les exigences croissantes de la part des bailleurs impliquent des compétences spécifiques, par exemple un spécialiste des systèmes d’informations. Il s’agit d’un poste coûteux : il est nécessaire à l’organisation mais celle-ci ne pourrait pas absorber le coût d’un tel poste. Le mécénat de compétence est également, pour une association, un lien avec le secteur privé.
Jean-Yves GROSSE - Président d’Aviation Sans Frontières
Le thème du colloque a été choisi en fonction des questionnements internes. Aviation Sans Frontières, constituée d’un noyau de plus de 800 bénévoles, a engagé récemment des salariés : vers un mouvement de professionnalisation. Les salariés étaient auparavant présents en petit nombre sur des fonctions supports.
Les salariés permettent aujourd’hui d’assurer une continuité, car il est difficile désormais de trouver des bénévoles présents au quotidien. D’autre part les tâches peu valorisantes renforcent la difficulté de mobiliser des bénévoles (pour faire des colis par exemple).
Le recrutement de salariés ne s’est pas fait sans tension. Des questions se sont posées comme « qui a la légitimité pour décider ? » Auparavant, il y avait une réticence à accueillir des salariés. Aujourd’hui cette idée est en train d’être dépassé car il y a une réelle prise de conscience quant à l’apport des salariés. Un des apports va par exemple être lié à l’âge : les salariés jeunes sont un vent d'air frais pour l’ambiance et la vie de l'association.
Depuis peu, Aviation Sans Frontières a recours à de personnes en mécénat de compétence, très précieux pour l’association.
La gestion du changement dans une association est très difficile : plus l'engagement et l’implication personnels sont forts, plus cette gestion est difficile.